Pour en finir avec les idées reçues sur les vins rosés
Le rosé, ce vin si facile à boire mais si difficile à faire. Le rosé, ce vin du carpe diem, de l’insouciance de l’instant présent, dont l’histoire est pourtant trois fois millénaire…
Les paradoxes ne manquent pas concernant la couleur emblématique des Vins de Provence. Ils expliquent ainsi que certaines idées reçues ont la vie dure, celles qui considèrent par exemple que c’est un vin simpliste ou un vin sans passé.
Mais il est d’autres facteurs qui contribuent à ce qu’un certain nombre d’idées reçues persistent dans les imaginaires. Dans un monde où la consommation de vin stagne, voire régresse, celle de la couleur rosé ne cesse de progresser depuis vingt ans. Conséquence : le croisement des courbes peut susciter une dissonance de sens, laisser penser qu’un vin qui séduit dans une époque compliquée pour le secteur n’est peut-être pas tout à fait légitime…
Ces idées reçues, il est toutefois venu le moment, dans une période où l’on aime à donner du sens à ce que l’on consomme, de les tordre pour restituer aux vins rosés leur complexité, leur richesse, leur profondeur, leur diversité. C’est là toute l’idée de cette rubrique, dont le contenu est aussi disponible dans un petit guide à télécharger ici : https://www.vinsdeprovence.com/files/6bc2123f/civp_brochure_idees_recues_vins_roses.pdf
IDÉE REÇUE N° 1 : Le rosé, un vin qui n’a pas d’histoire
POURQUOI C’EST FAUX ?
Parce que c’est l’un des premiers vins de l’histoire ! Durant l’Antiquité, les vins produits dans tout le bassin méditerranéen, en Grèce puis dans tout l’Empire romain, étaient tous des vins très clairs. Les raisins étaient foulés et le jus immédiatement mis à fermenter. Pas de contact avec les moûts, pas de cuvaison, pas d’élevage : les vins étaient faiblement colorés.
DANS LE VIGNOBLE DES VINS DE PROVENCE, berceau de la vigne française, on produit donc du vin rosé depuis 2 500 ans. Il ne s’agit pas encore d’une spécialité puisque le profil de vin est dominant dans tous les vignobles du pourtour méditerranéen et il le restera de longs siècles ainsi que dans tous les vignobles qui apparaissent au fur et à mesure que la culture de la vigne s’étend vers le nord. Mais, alors que tous les autres vignobles se détournent de la couleur avec l’essor de la production de vins dits rouges à partir du XIIe siècle, la Provence reste fidèle au rosé, choisissant les cépages et terroirs les plus adaptés, cultivant un savoir-faire, sophistiquant les techniques anciennes. Aujourd’hui, la région est ainsi la seule dans le monde dont le rosé constitue la production majoritaire.
IDÉE REÇUE N° 2 : Le rosé, c’est pas compliqué à produire
POURQUOI C’EST FAUX ?
Parce que c’est un vin qui demande savoir-faire et expérience, on dit même que c’est l’un des plus difficiles à produire ! Contrairement à certaines croyances qui perdurent, on ne mélange pas du blanc et du rouge pour obtenir du rosé, on utilise seulement des cépages noirs. Le rosé exige un grain de raisin parfait et une grande maîtrise
des techniques de vinification.
DANS LE VIGNOBLE DES VINS DE PROVENCE, les vignerons ont développé une technique de vinification particulière pour préserver la fraîcheur de la vendange : c’est la méthode dite du pressurage direct. Celle-ci, qui intervient dès l’arrivée des raisins en cave, permet de séparer délicatement le jus de la peau : ce premier jus est recueilli partiellement ou dans son intégralité, on en ôte les bourbes fines pour conserver un jus clair qui sera mis à fermenter sans tarder dans des conditions de température régulées, il donnera ensuite des vins d’un rose pâle, reconnaissables en bouche à un fruité acidulé caractéristique.
IDÉE REÇUE N° 3 : Le rosé, tous les mêmes !
POURQUOI C’EST FAUX ?
Parce qu’il existe dans le monde entier une multitude de styles, qui dépendent des
cépages utilisés, des terroirs ainsi que de la maturité des raisins vendangés et des choix de
vinification. En termes de profils, on peut trouver des rosés secs mais aussi des doux, des demi-secs ou des effervescents. La France est le premier pays producteur, suivie des États-Unis et de l’Espagne mais on produit du rosé aussi en Italie, au Portugal, en Suisse, en Autriche, en Argentine, au Chili, en Afrique du Sud, en Australie…
DANS LE VIGNOBLE DES VINS DE PROVENCE où l’on produit environ 40 % des rosés français relevant d’une appellation d’origine contrôlée (AOC), le rosé présente un profil emblématique, pâle et très aromatique. Mais ce profil-type présente de nombreuses subtilités qui résultent des choix des vignerons et des caractéristiques du terroir. Le vignoble des Vins de Provence regroupe en effet trois appellations d’origine contrôlée : l’AOC Côtes de Provence, l’AOC Coteaux d’Aix-en-Provence et l’AOC Coteaux Varois en Provence. La première abrite même cinq micro-terroirs. Entre elles, les appellations se distinguent par les sols, les influences climatiques, l’altitude, la proximité de la Méditerranée ou l’exposition aux vents. Cet éclectisme est également renforcé par la variété des cépages autorisés.
IDÉE REÇUE N° 4 : LE ROSÉ, IL FAUT BOIRE SEULEMENT LE DERNIER MILLÉSIME
POURQUOI C’EST FAUX ?
Parce qu’on peut se faire plaisir autrement qu’avec le millésime le plus récent. Alors, c’est vrai : avec le temps, la robe glisse d’une teinte rose vif à une teinte qui tire un peu plus vers le rose saumon tandis que l’expression aromatique arbore peu à peu des notes épicées, empyreumatiques, florales ou de fruits mûrs qui viennent s’ajouter aux arômes de fruits blancs ou jaunes, d’agrumes et de fruits exotiques. Mais il s’agit là d’un enrichissement, pas d’un déclin. L’avant-dernier millésime d’un vin rosé est toujours un vin gourmand, qui affiche toujours un style emblématique mais qui va toucher des profils de consommateurs curieux, ouverts à de nouvelles expressions.
DANS LE VIGNOBLE DES VINS DE PROVENCE, les vignerons ont été très tôt exposés à la question de la durée de vie des vins rosés, notamment car ils ont été les premiers à exporter des vins rosés à l’autre bout du monde : autrement dit, ils savaient quand le vin sortait de leur cave, pas quand il allait être bu. Ils ont développé une grande maîtrise de la gestion de l’oxygène qui leur permet de donner vie à des rosés qui garderont dans le temps toute leur gourmandise.
IDÉE REÇUE N° 5 : Le rosé, c'est juste pour l'apéro
POURQUOI C’EST FAUX ?
Parce que les vins rosés peuvent se boire sur le temps de l’apéritif mais aussi tout au long du repas ! Ils sont évidemment des vins de référence pour les temps de consommation informelle comme peuvent l’être les apéritifs, les buffets ouverts ou la dégustation de tapas. Ils profitent alors de leur connotation conviviale mais aussi de leur versatilité. Cette versatilité est aussi un atout pour se faire une place à table où ils peuvent accompagner des fruits de mer, des poissons, des légumes, des volailles ou certains fromages. En outre, ils sont à l’aise avec les cuisines méditerranéennes, orientales, créoles ou asiatiques.
DANS LE VIGNOBLE DES VINS DE PROVENCE, on consomme sans a priori le rosé à table, que ce soit au restaurant ou chez soi. Les rosés de l’AOC Côtes de Provence peuvent s’accorder avec un aïoli, des petits farcis, un risotto, des pâtes aux palourdes ou un tajine. Ceux de l’AOC Coteaux d’Aix-en-Provence accompagneront par exemple un poisson de mer, snacké ou mariné, ou un fromage à pâte molle. Ceux de l’AOC Coteaux Varois en Provence pourront être proposés avec une soupe au pistou comme avec un plat épicé du type curry. Les possibilités sont ainsi diverses.
IDÉE REÇUE N° 6 : LE ROSÉ, ÇA SE BOIT QUE L’ ÉTÉ !
POURQUOI C’EST FAUX ?
Parce qu’il s’agit d’une construction culturelle, propre à la France. Celle-ci s’explique
facilement. Elle a à voir avec l’invention et les mutations du tourisme au cours du XIXe puis
du XXe siècle. La massification du tourisme, concomitante avec le recul des métiers agricoles, déplace la saison touristique en été. Les Français, qui redécouvrent le rosé en vacances, l’associent naturellement aux beaux jours valorisant son caractère rafraîchissant. Cette idée, enracinée dans notre imaginaire national, n’est pas universelle. Dans les autres pays, la consommation de rosé, quoique plus forte quand le soleil brille, est mieux répartie sur l’année.
DANS LE VIGNOBLE DES VINS DE PROVENCE, on a intériorisé une certaine saisonnalité de la consommation de rosé. Mais les comportements ne sont pas figés : aux avant-postes des évolutions du marché, les vignerons ont constaté l’apparition d’une météo-sensibilité. En effet, la consommation est de moins en moins déterminée par la saison et de plus en plus par la météo. Dès qu’il fait beau, on consomme volontiers du rosé même en hiver, notamment à la terrasse des cafés ou des restaurants des grandes villes ou alors dans des contextes marqués par les flux touristiques, comme les stations de ski ou les destinations en bord de mer.